Superbe interprétation (il fait ce qu'il veut c'est sa chanson).
Et puis pour ceux qui en sont restés à l'époque yéyé, Christophe c'est aussi ça. Son dernier album "Aimer ce que nous sommes" (2008, déjà, c'est que l'homme est méticuleux) est une oeuvre profonde et subtile.
Volcano, le Yamaha 750, a stridulé une dizaine
de secondes, a hoqueté au bout de son effort alors que son pilote à grands
coups de reins tentait de gagner quelques centimètres, et puis il s'est tu et immobilisé :
à 199 pieds de la ligne de départ. Résultat inattendu qui le place en tête
du concours général, lui, l’un des cinq concurrents engagés pourtant dans le
repêchage du concours de tire de tracteurs à gazon modifiés (5$ / adulte, 12
ans et moins 3$). Le public applaudit avec un certain enthousiasme, le pilote
lève les bras en V. Je me demande quels sont les liens entre le classement
général et le repêchage. J’avoue ne pas comprendre.
Sous le grand chapiteau blanc, si proche de
l’aréna que les toilettes de cette dernière sont réquisitionnés, une DJ country,
qui calle les styles avant de lancer les disques. Les gens s’alignent, et dansent
avec sérieux pour la plupart, avec de l’attitude pour certains. La dame en bleu
a le western latino, matiné de salsa ; sa voisine, chemisier blanc, jupe
bleue clair, le western angoissé, balai dans le cul, cerveau employé à ne pas
se tromper. Elle attire moins le regard
que l’autre. Ce qui n’est peut-être pas son objectif. Certains sont là en
groupe, comme si une école de danse avait débarqué en bus. Pendant une chanson,
ils font sécession dans un coin du plancher, se lancent dans une interprétation
burlesque, (mouvements classiques western perturbés de jambes en l’air style
cancan), sans qu’un message ne se dégage clairement. Peut-être ne
cherchaient-ils qu’à s‘amuser. Le main stream s’en fout.
Le style Footloose me parait country-fusion
disco, énergique, varié, mais pas particulièrement élégant. Notez qu’il s’agit
là d’un avis de néophyte, plus que de connaisseur ou d’esthète.
Dans la rue qui remonte vers l’église, sous
l’une des tentes bâchées aux faux airs d’abris Tempo, entre un commerce de
vêtements péruviens en acrylique et un revendeur de tee-shirts, un
auteur-compositeur-interprète a installé son stand. Vend ses disques. Sa
musique fait nappe quand on passe devant, comme un brouillard sonore. Cela
sonne western croisière pour veuves de l’âge d’or, quelque chose entre Frédéric
François et Normand Lamour.
Dans un Ford Econoline qui a connu Reagan, une
femme se fait tatouer. On ne voit que ses épaules bronzées, sa peau fripée de
trop de soleil pendant trop d’années. On entend le grésillement
des aiguilles. Elle aurait tout aussi pu se faire piercer.
Les jeunes gars, des locaux manifestement,
sont tout énervés, Bud à la main, Stetson en paille. Les plus baraqués sont
torse nu. Sont aussi les leaders. Sont suivis des yeux, montrés du doigt par
des vieilles qui les reconnaissent, ou par des filles, habillées court, qui
aimeraient les reconnaître. Dans la gang, les autres, plus maigres, nez longs,
filasses, suivent avec des allures de queue de comète.
A l’ombre du kiosque d’accueil un jeune couple
présente à ses amis son premier né. Le groupe fait corolle autour de la
poussette. Le père a un tee-shirt. Trente minutes plus tard, il file dans une
rue secondaire avec un vieux chum, pousse presqu’en courant le carrosse. Il a tombé
le tee-shirt et se promène poitrine au vent.
Une fille magnifique n’a pas encore d’enfant.
Tout en haut de la côte, dans le saloon aux
faux airs de salle communale, un spectacle permanent. De loin la voix laisse
imaginer un karaoké. L’effet de la distance sûrement. Derrière les portes à
battants, les tables ont la forme de guitares Stratocaster aux manches sciés,
les sièges viennent de l’école, et un couple d’artistes (voix-guitare-ordi),
tout ce qu’il y a de plus officiellement au programme, chante du Shania Twain,
en moins sexy.
Devant le bar, une cowgirl petite, fripée, et un
peu saoule, jupette, camisole, et nœud qui tient le chignon, croise un groupe en
discussion ; dont un homme vêtu d’une chemise illustrée de quatre têtes de
chevaux sur fond de coucher de soleil. Portée hors du pantalon, la chemise est
longue, couvre les fesses. Suit un dialogue qui finit par cet appel vigoureux
de la vieille : « Et relève la donc, qu’on voit ce que valent les
fesses ! ». Ce qui fut fait et abondamment commenté par le groupe. Je me demande
quelles étaient leurs intentions. Se peut-il qu’ils n’aient voulu que
plaisanter ?
Isabelle a vu un homme incliné devant la
statue du Christ, en contrebas de l’église, il semble se repentir, demander
pardon pour son ivresse. Il a les mains jointes. Il tient sa bite. En fait il
pisse.
Sous la tente de danse, à présent, un duo à
guitares et ordi interprète Comfortably Numb des Pink Floyd, avec intégrité,
sans accentuer la dimension country de l’œuvre. Pendant les efforts de son
compère pour maîtriser le solo ainsi que les distorsions du système de son, le
bassiste plaisante au micro avec l'assistance. Le parterre est quasi-désert, sans que je puisse décider de
ce qui est cause ou effet.
Enfin un constat : dans la foule du
festival les gougounes l’emportent sur les bottes à talons biseautés ; les
calvities, les permanentes bleutés et les coiffures de mouffettes sur les
Stetsons ; les tee-shirts sur les chemises à carreaux ; les shorts
bariolés sur les jeans ; les caleçons apparents sur les boucles de
ceintures chromées. Les cravates western sont rares. Entre les Harley
stationnées, se dresse un scooter Piaggio. Un seul homme porte un révolver à la ceinture, un jouet en plastique. Il danse et ne semble pas menaçant.
Pour la plupart les gens ont l’air de beaucoup
s’amuser. Beaucoup ont un peu trop bu. Ce festival western est décidément un
truc de spécialistes.
Très très amusant, Chicha Libre, un groupe de Chicha revival. Définition de la Chicha par FIP : "La Chicha, outre une liqueur appréciée des Incas, était une sorte de pop psychédélique, dérivée d'un mélange de cumbia et de guitares surf, qui connut son heure de gloire au Pérou vers la fin des sixties". Leur interprétation de la chevauchée des walkyries est comment dire ?.... à écouter
Superbe vidéo de Sidi Touré. La musique malienne, un rock-folk sablonneux.
Et puis du blues camerounais. Très blues. Roland Tchakounte. Il chante en bamiléké ou en pidjin. Cela donne une douceur étonnante à un blues de facture très classique.
Et pour finir Sandra NKaké, camerounaise aussi, dans sa version jazzy...
C'est un vieux projet, comme un serpent de page. Le scénario est écrit (quelques trucs à ajuster), mon frère a testé des trucs, dessiné plusieurs pages, encré deux ou trois, et peinturluré une. Là voilà. La première.
Je donne ça à Thibault :
"Première guerre
mondiale. Le front, la nuit.
La lumière de la
pleine lune dessine un relief sinistre, des trous d’obus, des amoncellements de
boue d’où pointent des piquets enrubannés de barbelés, des bâtis de bois
désossés. Et les ruines d’une ferme.
Deux soldats allemands font leur ronde. Détendus. Le front s’est visiblement
éloigné. Pas mécontents de leur chance, ils marchent côte à côte, en silence,
chacun perdu dans sa fatigue hallucinée. Les fusils à l’épaule, le dos courbé,
le regard au bout de leurs bottes. Ils s’approchent des ruines, sans intention
aucune, lorsque, soudain, un bruit. Un cri dans une grande bâtisse éventrée, au
toit à moitié effondré. Ils s’arrêtent. « Was ist das ? ». Réflexes
de soldats, immédiatement. Se collent aux murs, fusil à la main. La crainte de
nouveau dans leurs yeux.
Se couvrent
mutuellement ils pénètrent dans l’obscurité de la ruine. Lentement, que leurs
regards s’habituent. De nouveau des cris, un halètement. Un son qu’ils
connaissent bien, incongru en cet endroit. Se jettent des regards de surprise.
Mais toujours la même prudence. L’un d’eux, protégé derrière un pan de mur à
moitié effondré sur une cheminée risque un œil. Il remarque d’abord la capote
de laine bleue et le Lebel, posés contre une table qui émerge d’un
amoncellement de briques et de planches, et puis au second plan dans un coin de
la pièce, le dos d’un homme, fesses nues, pantalon sur les chevilles qui fait
l’amour à une femme, cachée dans l’ombre. On ne voit que ses genoux qui saillent
et le bas de ses cuisses, happées par la noirceur. Ses cris de plaisir.
Les soldats allemands
quittent leurs caches, deux ombres.
Une autre nuit,
ailleurs, la même peut-être, qu’importe. Un lit simple sous un crucifix de bois
d’où pend un chapelet. Une couverture épaisse, de larges oreillers
confortables. Une jeune femme dort."
Et il fait ça :
vendredi 8 juin 2012
Dans la rue aujourd'hui. Un homme, habillé de noir, avec sa canne blanche cherche sa route. Il dégage une sérénité saisissante. Nous lui servons de guides. Il nous dit qu'il travaille pour un restaurant tenu par des aveugles dans lequel les clients mangent dans le noir. Il aime l'expérience. Depuis peu il est juste à temps partiel. Il travaille à la sandwicherie, qui fonctionne en plein jour.
C'est que l'homme n'est pas totalement aveugle. Mal voyant en fait. "Je suis un grosses lettres". Son cerveau ne s'est pas construit pour compenser l'absence d'informations oculaires. Du coup il est moins performant dans le noir, moins productif pour son employeur.
Sans acrimonie, il conclut : Drôle de paradoxe.
Conçue pour virer à 90 degrés sur les champs de bataille ou se transformer en couchette. Avec des roues inclinées pour mieux rouler sur des routes concaves ou convexes. Un prototype ravageur.
Quand ton ordi enregistre des documents que tu viens de transférer avec pour date de modification : "demain", la notion de linéarité du temps se fissure. Et bizarrement tu te rends compte que t'y tiens à cette histoire de linéarité du temps.
Pendant une session un jeune québécois a loué une chambre dans un appartement à Paris. Avait laissé à Québec sa blonde. Il venait étudier le droit. Il me semble qu'il a dû l'apercevoir de loin.
Ce matin en allant me doucher dans sa salle de bain, j'ai trouvé, abandonné sur le rebord de la fenêtre qui ouvre sur la cour, un bracelet de fils tressés multicolores. Quelque chose de vaguement brésilien, dont le fantasme d'une subordination à un quelconque serment amène le porteur à supporter la laideur.
Avant de repartir pour le Québec, entrant je l'imagine dans sa dernière douche, il a, sans rien couper, défait le bracelet, avant de le déposer dans un coin, puis de l'oublier, l'esprit lavé sous l'eau chaude, l'esprit propre et tourné vers son futur. Alors je me suis dit : Et s'il s'était trop exposé au soleil, sans l'ombrage de ses cours de droit ? Et si le bracelet avait dessiné sur sa peau une mince ligne blanche ? Et si sa blonde le questionnait sur cette trace mystérieuse ?
Je l'imaginai contemplant le dessin comme un prisonnier guette avant que la porte ne se ferme, au dernier instant, la mince ligne de lumière qui bientôt disparaîtra.
Isabelle, dans un élan de nostalgie, m'a fait découvrir ce clip.
Ô Limoilou, terre de contrastes Alcôve secrète de fragments urbains Comme des diamants non taillés Style genre comme
Bon je mets ce post dans la catégorie "c'est beau" parce que je n'ai rien d'autre sous la main. Ou alors je vais en créer une spéciale : "Limoilou RIP".
Conférence sur l’économie des transports, quelques idées chocs :
Dans un aller-retour NY – Paris, chaque passager consomme une baignoire de pétrole. Deux fois plus s’il est en classe affaires.
Lutte contre deux idées reçues :
1. La voiture électrique permet de moins polluer. Tout dépend de la façon dont est produite l’électricité. Chiffres sur la situation actuelle : Effectivement en France (électricité nucléaire) la voiture électrique rejette moins de CO2 par passager et par kilomètre. En moyenne, en Europe, une petite voiture électrique rejette autant de CO2 qu’une Prius. En Allemagne (où la production électrique est encore largement thermique) une voiture électrique rejette autant de CO2 qu’une berline moyenne. En Chine, Australie ou Pologne (où l’électricité est très largement produite à partir de charbon) une petite voiture électrique rejette autant de CO2 qu’un SUV.
2. Un train électrique pollue moins qu’une voiture. Même principe, tout dépend de la façon dont est produite l’électricité. Ainsi un TGV allemand rejette à peine moins de CO2 qu’une voiture avec un taux de remplissage moyen sur des voyages longue distance (autour de 1,8). Si l’on monte le nombre de passagers à 2 par voiture, le TGV allemand rejette autant de CO2 par passager et par kilomètre qu’une voiture.
Mais évidemment la situation va changer : énergies renouvelables, efficacité énergétique dans les moteurs électriques. Conclusion : comme toujours les choses sont plus complexes que les résumés que l’on en fait.
Un constat désespérant : Pour des déplacements quotidiens, les gens qui ont les moyens de voyager en voiture, voyagent en voiture. Ne pas avoir les moyens peut par exemple signifier ne pas pouvoir se payer une place de stationnement à l’arrivée. Dit autrement, quand les gens peuvent se le permettre financièrement, ils choisissent la voiture.
Et pour finir : un construction d'autocar nous informe qu'en Allemagne dans les autocars de tourisme, un chauffe-saucisse est indispensable, dans la kitchenette près des portes latérales.
Dans son album "Old Ideas", pour la première fois Cohen se permettra de flirter avec le blues. Il explique dans un excellent article du Point signé de Sacha Reins (n°2054, p. 114-116) : "Jusqu'à présent je ne me sentais pas autorisé à aborder le blues, mais j'ai senti que cette interdiction était levée". Une histoire, résumé les polarités du personnages : "Il y est resté cinq ans (dans un monastère bouddhique au sommet d'une montagne de Californie). Levé à 3 heures pour 5 heures de méditation et une semaine par mois, méditation de 3 du matin à 9 heures du soir. Le reste du temps est voué aux tâches domestiques. Mais tous les six mois, les moines me laissaient partir deux semaines. Il s'installait alors dans un palace et s'adonnait à ses deux passions dévorantes : les femmes et les grands bordeaux." A la fin des années 2000 il quitte le monastère, ruiné par sa manageuse, son amante aussi. "Quand on cherche l'illumination divine et l'extase de la chair, on ne peut pas en même temps surveiller les cours de bourse". Cet homme est d'une élégance exquise.
Cette entrevue publiée sur le site de voila.fr (propos recueillis par Axel Capron) est absolument passionnante. C'est même surprenant de lire quelque chose d'aussi intéressant dans des pages sportives : amortisseurs de foils, ailes rigides, coques souples, tout y passe. (Je copie / colle pour éviter de voir disparaître la page dans les limbes du net).
Vidéo de l'hydroptère lors du record de vitesse sur un mile (plus de 50 noeuds de moyenne).
L'avenir appartient aux bateaux qui volent En s'emparant du Trophée Jules-Verne en 45 jours 13h42'53", Banque Populaire V a mis la barre très haut, au point de sembler le seul capable aujourd'hui de faire mieux. Et à plus long terme ? L'Hydroptère, le bateau le plus rapide du monde sur un mille, pourrait être la solution, Alain Thébault, qui porte le projet depuis 1987, s'en explique.
Que vous inspire la performance de Banque Populaire ? Je trouve que c'est magnifique et je voudrais d'abord féliciter mes amis, Vincent Lauriot-Prévost, Marc Van Peteghem, Xavier Guilbaud, Hervé Devaux (les architectes et ingénieurs ayant conçu le bateau, ndlr), l'équipe qui a dessiné ce bateau, et bien entendu Loïck Peyron, Fred Le Peutrec, Jean-Ba (Jean-Baptiste Levaillant), Yvan Ravussin, tout l'équipage qui a réalisé cette magnifique performance. Je pense qu'ils auraient pu faire beaucoup mieux avec une meilleure météo, mais déjà, le fait de le battre en 45 jours, c'est extraordinaire.
Quand vous dites mieux, à quel temps pensez-vous ? Je pense qu'ils auraient pu faire aux alentours de 42-43 jours. Nous, on a acheté cinq années de fichiers de Météo France, on a un simulateur de vol, on va entrer leur parcours avec les données de vents et d'états de mer associés, je pourrai vous répondre de façon un peu plus précise. Bruno Peyron nous disait la semaine dernière que si on devait construire un bateau pour améliorer ce record, il faudrait soit une optimisation de Banque Populaire soit une solution plus radicale, comme l'Hydroptère, votre avis ? Avec Eric Tabarly, on a lancé ce programme d'Hydroptère en 1987, Eric me disait: "Un jour, tous les bateaux voleront". On n'était pas très nombreux à le penser en 1987, on devait être deux ! Aujourd'hui, de Michel Desjoyeaux à Loïck Peyron, tout le monde en convient, l'avenir appartient aux bateaux qui volent. La question est: à quelle échéance ? Aujourd'hui, on se sent capables avec Vincent Lauriot-Prévost et Hervé Devaux de faire un bateau qui soit capable de traverser l'Atlantique en volant, le bateau est en cours d'étude. On a regardé la faisabilité sur un tour du monde, là, c'est plus compliqué.
Ce qui veut dire ? Qu'il faut y aller step by step. On va d'abord commencer par faire le record du Pacifique avec l'Hydroptère en juin, ensuite on essaiera de s'attaquer à l'Atlantique, mais aujourd'hui, l'Hydroptère, dans sa configuration actuelle ne permet pas de s'attaquer au record de l'Atlantique, il faut le modifier dans un configuration bi-safrans. Le tour du monde, on verra plus tard.
Pourquoi le Pacifique vous paraît jouable et pas l'Atlantique ? Parce qu'il est plus accessible, les records de Kersauson (sur le Pacifique) sont plus faciles à battre, ce sont des records à 20 noeuds de moyenne. Nous, on a fait trois fois le tour de l'Europe avec l'Hydroptère, on a navigué par trois-quatre mers de creux, la dynamique du vol se passe bien, on a compris beaucoup de choses qu'on va donc expérimenter sur un parcours au large, plus «soft», c'est-à-dire deux-trois mètres de creux, 20 noeuds de vent, qui nous paraît accessible. On commence avec un record "facile", même si on y va avec beaucoup d'humilité.
Et pour le tour du monde, l'objectif c'est de faire un maxi-Hydroptère ? Je voudrais un "mini-maxi". Je compare souvent l'évolution architecturale des bateaux avec ce qui s'est passé dans le ciel: il y a cent ans, il y avait beaucoup de dirigeables, de ballons, d'engins archimédiens, qu'on n'a cessé d'allonger, grâce notamment à monsieur Zeppelin. Ensuite, il y a eu une rupture et on est passé aux aéronefs, d'Archimède à la portance dynamique. Sur l'eau, on assiste à la même transition: on a beaucoup allongé et aujourd'hui, on voit bien que ça ne sert pas à grand-chose d'allonger plus que Banque Populaire qui, en matière de grand trimaran archimédien, est le plus abouti. Donc je pense qu'il faut vraiment changer de technologie pour aller plus vite.
Donc les dimensions ? 30 mètres par 30 mètres, un bateau d'une masse au décollage de l'ordre de 12 tonnes... quelque chose de raisonnable avec une aile rigide ! (Rires) Eric Tabarly m'avait dit: "Tu es audacieux et têtu comme trois mules." On ne va pas faire les choses à moitié ! On travaille dessus depuis un an avec Hervé Devaux, Vincent Lauriot-Prévost et Marc Van Peteghem, aussi avec mes huit «papés» de l'aéronautique (ingénieurs de l'aéronautique qui accompagnent le projet, ndlr). Aujourd'hui, on essaie de boucler notre financement, la question est moins technologique que financière. J'aimerais bien que le centre de gravité reste en France car ce sont quand même les Français qui sont à l'origine de ce beau projet. Si tout va bien, on démarrerait le chantier en mai pour une durée d'un an, un an et demi.
Avec l'objectif de faire le tour du monde en moins de 40 jours ? On doit pouvoir faire moins que 40 jours avec un Hydroptère. Sur un mille nautique, on a fait plus de 50 noeuds de moyenne (50,17 et 51,36 sur 500 mètres, record absolu, ndlr). Quand un bateau vole, par rapport à un bateau archimédien, il y a une différence. Donc quand on voit que Banque Populaire fait le tour du monde potentiellement en 42-43 jours, on imagine qu'avec un Hydroptère qui volerait ne serait-ce que sur la moitié du parcours, on est plutôt aux alentours de 36-38 jours. Je parle en termes de potentiel. Après, il y a la réalité, la météo...
Et la fiabilité, souvent pointée comme le défaut de l'Hydroptère, qu'en pensez-vous ? On a inventé un système qui est breveté. C'est comme sur une voiture, souvenez-vous le Paris-Dakar: quand Ari Vatanen avec sa 205 Turbo 16 allait à 100 km/h dans les champs de bosses, il cassait. Aujourd'hui, sur l'eau - et l'équipage de Banque Populaire l'a bien souligné -, on est sur des niveaux de stress très élevés, à la fois pour la structure du bateau et les humains à bord. Nous, ce qu'on a inventé il y a maintenant trois ans - et aujourd'hui le bateau est parfaitement fiable -, c'est un système d'amortisseurs. Pour aller vite par mer formée, c'est la même chose que pour aller vite sur des nids de poule, il faut des amortisseurs. Personne n'imagine une voiture avec des bielles rigides à la place des amortisseurs dans un champ de bosses. Or sur un bateau aujourd'hui, quand Vincent (Lauriot-Prévost) me parle de formes de coques pour amortir les mouvements de la mer, de structures plus ou moins souples, je pense qu'il y a plus simple: il faut monter les foils sur amortisseurs, ce qu'on a imaginé sur l'Hydroptère et qui fonctionne parfaitement. On a des systèmes d'amortisseurs qui ressemblent aux trains d'atterrissage de l'Eurofighter ou du Rafale marine (avions de combat, ndlr). Au-delà d'une certaine pression sur le foil, l'amortisseur entre en action.
Et l'avenir est-il à l'aile rigide autour du monde ? Oui, un jour, les bateaux feront le tour avec des ailes rigides. Une telle aile permet une stabilité en roulis parfaitement régulée, or l'ennemi de la vitesse, c'est l'instabilité en roulis, la gîte. Le deuxième point positif de l'aile, c'est la capacité de descente (au vent): avec une aile, vous augmentez l'angle de descente d'environ dix degrés, or, les records se battent au portant, et sur un parcours comme le tour du monde, naviguer à 145 degrés du vent au lieu de 130 ou 135 en descente, c'est un réel avantage car comme le disait Loïck, il faut diminuer le chemin parcouru. Donc de ce point de vue, une aile offre un très net avantage. Je pense qu'on sera d'ailleurs les premiers à expérimenter une aile au large. La seule difficulté pour le large, c'est la réduction de voilure. Mais on travaille dessus. Discrètement, dans notre coin. On n'est pas seulement «l'icône» des bateaux qui volent, on a une avance technologique en matière de dynamique du vol assez significative, on n'est pas restés les bras croisés (rires).
Ce tour du monde en moins de 40 jours, c'est votre nouveau Graal ? Non, je reste humble et réaliste. Entre un record absolu sur un mille et un tour du monde, il y a des étapes. Tel le paysan dans son champ, on va essayer de les franchir.
11 pays en 44 jours. Du talent. Et un travail superbe "move", invitation au voyage et travail sur le mouvement. Au générique : Rick Mereki : réalisateur et producteur Tim White : producteur, monteur Andrew Lees : l'homme qui marche (pas le pire emploi comme acteur)
J’ai souvent du mal avec les livres qui nous plongent dans la psychologie des adolescents. Le dernier livre de Bégaudeau « La blessure, la vraie », était une exception. Mais j’avais moins accroché à la fin très romanesque, comme si Bégaudeau n’arrivait pas à rester dans l’enfermement du monde adolescent.
Et puis j’ai lu « Et au pire on se mariera » de Sophie Bienvenu chez La Mèche. Un procédé qui rappelle la première scène de la « Fille sur le pont » de Patrice Leconte. Le texte rapporte la déposition d’Aïcha à quelqu’un que l’on imagine être une psy ou une assistante sociale dans un poste de police, en tout cas quelqu’un qui essaie de lui faire raconter ce qu’elle a vécu qui l’amène en ce lieu. Aïcha est follement amoureuse d'un homme beaucoup plus âgé qu'elle. Un homme que l'on entrevoit, que l'on reconstruit, à travers la fièvre de son récit.
C’est un livre rare. La découverte âpre d’un être écorché, attachant, assoiffé d’amour. Sophie Bienvenu réussit la prouesse de nous livrer sans aucun artifice le récit d’Aïcha. Du brut. Et on est pris dedans, comme englué. C’est à la fois fascinant et dérangeant. En apnée. Déboussolé par les mensonges, les omissions de l’adolescente. Anéanti par son errance, sa souffrance. Cela pourrait partir en vrille, mais le style est là pour tenir le tout. Une précision psychologique rare et un humour dévastateur. L’humour comme élégance du désespoir. Deux extraits qui ne dévoilent rien de l’histoire.
« Tsé quand quelque chose te fait capoter, mais vraiment capoter, que t’étouffes pis que tu finis par vraiment en être malade… comme tantôt un peu… et que quelqu’un à côté essaie de te convaincre que c’est pas grave… Mais pas genre « voyons, pauvre tarte, tu capotes donc ben sur des niaiseries », mais par son énergie qui transpire et que te fait savoir que tout va bien aller. Même si ça chie tout autour, même si tu te fais attaquer de partout, que le monde menace de finir là, là, ou que ton intolérance au lactose pourrait te tuer. C’est le genre de gars qu’il est. Comme une île déserte où tu t’échoues après une crisse de grosse tempête. Mais avec de la bouffe et de l’eau et tout dessus. Et une maison chauffée. Et Internet. » (p. 96)
« Ca fait ça, un chat. C’est toujours là dans tes jambes quand t’as pas besoin, pour t’embarrasser. Pis ça te juge. Ca se prend pour un autre, même quand ça se lèche le cul. Enfin, ça, je peux pas les blâmer, parce que j’en connais plein des humains aussi qui si prendraient pour d’autres s’ils pouvaient se lécher le cul. » (p. 84)
Un livre pas reposant. Comme n’étaient pas reposants « Le ravissement de Lol V Stein » de Duras, « La musique » de Mishima, ou « Alexis, ou le traité du vain combat » de Yourcenar. Mais un livre qui apporte sa part à la compréhension des autres.