Je viens de finir « Joséphine » de Jean Rolin. Court et grand livre. Une femme morte, un homme qui se souvient. J’imagine la double fonction du texte pour l’écrivain : le plaisir désespéré qu’il y a à faire durer l’histoire, à revivre pour les décrire ses bons moments, et le besoin d’expurger la douleur.
Me fait penser à "Lacrimosa" de Régis Jauffret, quelque chose de commun dans le projet. Jauffret raconte aussi un amour mort, Charlotte suicidée « sur un coup de tête d’une longue maladie ». La même souffrance, celle d’un homme qui ne peut retenir la femme qu’il aime rongée par la dépression.
Deux façons d’écrire radicalement différentes.
Rolin : son écriture précise, sans fard, sa capacité à jouer avec le rythme des phrases (lentes, vives, longues, syncopées comme le rythme de la vie), la construction savante de son texte. Un texte brut, fragile comme tout ce qui est offert sans faux semblant et que l’on peut refuser. Rolin, quelque chose du reporter, de celui qui s’en tient au fait ; et beaucoup de l’écrivain, qui fait vivre les émotions, qui immerge.
Jauffret, ses phrases courtes, précises. Son humour noir, ses formules élégantes, ses trouvailles, et toujours sa distanciation, dans la forme (cette fois un échange virtuel de lettres avec la morte) et dans sa façon de montrer l’écrivain au travail (cette fois une réflexion sur le vampirisme de l’écrivain, qui se nourrit de ce qu’il vit, qui aspire le suc des gens qu’il croise).
Deux très beaux livres.
Dans ma vie j’aurais aimé être alpiniste ou l’écrivain Jean Rolin.
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