A Saint-Petersbourg se trouve l’institut Vavilov, mémoire génétique horticole : 330 000 variétés de plantes, quatrième banque de semences au monde. Aventure scientifique mangeuse d’hommes. Dont son créateur, Nikolaï Vavilov, fondateur en 1921, arrêté par la police politique en 1940 comme « ennemi du peuple ». La menace que pouvait bien représenter un grainetier pour Staline reste pour moi une inconnue. Reste que jusqu’à la mort du dictateur, prononcer le nom de Vavilov s’apparentait au suicide. Allez savoir. Créativité des folies meurtrières.
Treize autres héros. De septembre 1941 à janvier 1944, pendant le siège de Leningrad, treize collaborateurs ont veillé jour et nuit sur la banque de semences. Dormaient sur place. Affamés. N’ont pas touché aux graines, jamais. Même tordus par les crampes au bide. Même chiant liquide. Tous morts de faim. Héros de la biodiversité. Gloire de la science soviétique. Hyperbole de la lutte contre l’eugénisme nazi.
Aujourd’hui l’institut est menacé par les promoteurs immobiliers. Deux des plus beaux bâtiments de Saint-Pétersbourg, pour des graines. Sans déconner, c’est quoi le retour sur investissement ? Pas mieux à faire que des germinations ?
Constat : moi, si j’étais l’une des 330 000 plantes, je virerais paranoïaque.
Note : pour une description saisissante du siège de Leningrad, le très romanesque roman de Benioff : City of thieves.
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