"Les sept roses de Tokyo" de Inoue Hisashi publié chez Philippe Piquier est un livre passionnant. Il nous montre le Japon sous un jour que je ne connaissais pas. Le livre reproduit les carnets d'un homme qui nous plonge dans la vie quotidienne d'une famille à la fin de la seconde guerre mondiale et durant l'année qui suit l'armistice.
J'imaginais la société japonaise fanatisée dans sa lutte contre les américains. Et bien je me trompais. Le roman nous plonge dans les difficultés, les lâchetés, les combines, les espérances et les désespoirs de la population civile qui voit tout s'effondrer autour d'elle. Passionnant et écrit avec un humour particulièrement fin.
Et puis vers après 400 pages, une dimension supplémentaire s'ajoute sans prévenir. Frôlant le roman d'espionnage nous voilà au coeur d'une situation qui m'était totalement inconnue mais qui est fascinante. Tellement incroyable que j'ai dû vérifier sa véracité.
Donc, après la capitulation, les Etats-Unis gouvernaient le Japon. La USEMJ (United States Education Mission to Japan) avait pour tâche de réformer le japonais pour faciliter les échanges culturels par la simplification de la langue japonaise, afin de rendre l’apprentissage de cette langue plus facile aux étrangers (Teplova, 2006).
Dans le roman de Hisashi, le fonctionnaire responsable de la réforme est mis en scène. Il explique (et je me demande ce qui est de l'ordre de l'exagération romanesque, et ce qui relève de la connerie du vainqueur) : "Le pronom personnel de la première personne du singulier est, pour l'être humain, l'une des choses les plus fondamentales qui soient. En effet, c'est par l'emploi que nous faisons de ce pronom que nous construisons progressivement notre ego. Les Américains, les Britanniques établissent leur personnalité individuelle au moyen du pronom I, de la même façon, les Français utilisent je, les Espagnols yo, les Portugais eu, les Néerlandais ik, les Chinois wo, les Indonésiens saya, pour élaborer leur caractère. Or (...) le japonais possède plusieurs mots à la place. Et que ce pronom jour les girouettes puisqu'il dépend entièrement de la situation. Qui plus est les Japonais recourent à l'un ou à l'autre tout à fait spontanément. Résultat : ils n'atteignent jamais à l'autonomie en tant qu'individus." (page 547)
"Hall réclame d’abord l’utilisation de katakana, puis finit par opter pour l’alphabet romain. Le ministère de l’Éducation du Japon (Monbushō) réagit et propose un compromis pour éviter les réformes extrémistes et l’organisme présente, en 1946, une liste uniformisée de 1850 kanji (Tōyō kanjihyō), ainsi qu’une liste de kana moderne (Gendai kanazukai). Mais, en raison de conflits internes au sein de la Mission américaine, les rêves de R. K. Hall ne se réalisent pas, et la langue japonaise réussit à conserver son système d’écriture." (Teplova, 2006 : 763)
Hisashi nous propose une explication très romanesque à l'origine de cet abandon. A lire.
Source : Teplova Natalia (2006), "Traduction et politique langagière au Japon : de l'ouverture au monde à la mondialisation", Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, vol. 51, n° 4, p. 758-770.
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