mercredi 8 décembre 2010

Tesla vs. Edison

Dans "Les éclairs" de Jean Echenoz :

Deux nouveaux mots :

- abstrus : adj., abscons, difficile à comprendre.
- blandice : nom fém., souvent utilisé au pluriel, flatteries.

Une histoire incroyable de rivalité industrielle :

Edison est l'inventeur (entre autre) du courant continu. La société qu'il avait fondé : General Electrics avait commencé à équiper quelques maisons autour de la première centrale et rêvait d'un monopole, lorsque Nikola Tesla immigré Croate mit au point le courant alternatif qui permettait de dépasser les limites de la technologie d'Edison : en particulier le fait qu'il était impossible de transporter le courant sur de longues distances, et que les câbles chauffant sous l'effet d'un courant à faible tension, avaient des comportement pyromanes.

Tesla se fait financer par Westinghouse pour développer le courant alternatif et conquérir l'Amérique. Edison perçoit la menace, il se lance alors dans une campagne d'anti-marketing particulièrement aussi innovante que peu morale. Son axe : démontrer le danger du courant alternatif.

Pendant des mois, dans les rues, des démonstrateurs attachent des chiens et des chats sur des paillasses et les électrocutent, enjoignant la foule horrifiée de refuser l'installation du courant alternatif de Tesla et Westinghouse.
Cela ne suffit pas, l'étape suivante est l'électrocution de Topsy, éléphante arthritique et ombrageuse du Luna Park de Coney Island. Elle a tué trois dompteurs, il faut l'euthanasier. Edison en profite, il voit l'opportunité. Et pour donner un écho maximal à cette mise en scène, il exploite une autre de ses innovations : le cinéma. La bête est électrocutée avec une dynamo Westinghouse devant l'oeil trouble d'une caméra. Dans un grand jaillissement de fumée blanche, digne d'une locomotive à vapeur, l'éléphante s'effondre. Le film existe, il est ci-dessous.



Mais ces démonstrations grand-guignolesques ne suffisent pas à convaincre les décideurs qui mesurent les atouts du courant alternatif. Edison joue alors son va-tout. Pour effrayer la populace, point d'autre solution que de tuer un homme. William Kellner qui a tué sa femme à coups de hache est un condamné à mort qui attend sa sentence. Edison fait fonctionner ses contacts et convainc qu'une électrocution serait plus humaine qu'une pendaison. Un arbre est abattu dans la cours de la prison, grossièrement débité et une chaise est construite. Deux électrodes, deux éponges et quelques sangles, le condamné est assis sur la première chaise électrique munie d'une dynamo Westinghouse acheté clandestinement.

La première tentative, 1000 volts, sept secondes, échoue. L'homme est brûlé, hurle, ainsi manifeste qu'il est toujours vivant. Echenoz décrit ainsi les effets de la seconde tentative, 2000 volts, une minute :
"Se répand très vite alors une forte odeur de chair grillée cependant que de longues étincelles jaillissent des membres de Kemmler, sa sueur abondante se transforme progressivement en sang, une épaisse colonne de fumée commence à s'élever de sa tête et ses yeux tentent avec succès de s'échapper de leurs orbites jusqu'à ce que, certifié par un médecin légiste, son décès ne soit plus douteux." (Echenoz, "Des éclairs", p. 50)

Premier constat : Edison s'était trompé. Le courant alternatif s'est imposé, ainsi que la chaise électrique.

Deuxième constat : La chaise électrique est fruit du marketing.

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