vendredi 30 septembre 2011

Héros

Un excellent reportage dans le Point n° 2034 daté du 8 septembre 2011 (p. 62-65).

Ils sont 2000, 2000 retraités ayant travaillé sur le site de Fukushima à avoir rejoint SVCF, le Skilled Veterans Corps for Fukushima. Leur souhait : remplacer les travailleurs actuels, payés 200 euros par jour (plus 100 euros en cas de surdose de radiations) pour réparer la centrale. Et cela gratuitement. Pour eux il s'agit d'un devoir, impérieux :

- un devoir issu du sens de leur travail (c'est dire que leur perception de leur travail ne se limite pas à l'exécution d'une tâche, mais à la réalisation d'une mission) : "C'est mon devoir d'aller là-bas. Quand on construit une machine, on en est responsable jusqu'à la mort, c'est l'esprit Toshiba !", Orii Syoichi, 68 ans.

- un devoir de responsabilité sociale : "Ma génération de l'après-guerre a profité de la vie, grâce au nucléaire. C'est nous qui avons construit cette centrale, c'est à nous de la réparer." Naito Shinobu, 63 ans.

- un devoir de responsabilité générationnelle : "A nos âges, les cellules cancéreuses se développent plus lentement. Les jeunes ont l'avenir devant eux, ils peuvent encore avoir des enfants. Ils ne doivent pas prendre part à cette tâche". Yastel Yamada, 72 ans.

C'est aussi une attitude inscrite au plus profond de la culture nipponne. Le shintoïsme inscrit l'homme dans l'univers, comme un élément du grand tout. L'homme n'est pas en lutte contre l'univers, il en vit les rythmes. "Nous ressortons toujours plus forts des catastrophes. A l'image du sanctuaire shinto d'Ise, que nous détruisons et reconstruisons tous les vingt ans afin de transmettre le savoir-faire aux générations suivantes." 20 ans, le temps d'une génération. Les bâtiments actuels datent de 1993. Ils seront reconstruits en 2013.

Pour l'instant l'Etat reste sourd à leur demande. Officiellement par crainte des accidents. Le travail sur la centrale est éprouvant. Tous les jours cinq à six personnes perdent connaissance. Mais Sébastien Falletti nous laisse entendre une tout autre raison : "Les forçats de Fukushima sont généralement jeunes, sans qualifications et recrutés par une chaîne opaque de sous-traitants de Tepco, attirés par l'appât du gain. Un système nébuleux et lucratif, en partie sous la coupe des yakuzas, la mafia locale."

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