mercredi 14 juillet 2010

Dancing Auschwitz

Jane Korman est une artiste australienne qui travaille sur les mises en situation et la vidéo. Un de ses projets se nomme Dancing Auschwitz. La première partie, la plus controversée, ci-dessous.



On y voit, regroupées autour du grand-père survivant des camps, les trois générations de la famille, pataudes, timides et complices, exécuter sur les lieux mêmes de l’holocauste une chorégraphie sur la chanson « I will survive » de Gloria Geynor. Cela fait évidemment polémique. Est-ce acceptable ? Est-ce manquer de respect aux millions de morts ?

Ces gens me touchent. Je les trouve très émouvants, très tendres, très beaux. Les commentaires des vivants sur le respect des victimes de la shoa m’agace. Quelques arguments.

Dans son livre magnifique The lost, Daniel Mendelsohn a un passage très intéressant, dans lequel il constate que malgré toutes les tentatives pour faire vivre au visiteur l’expérience des camps (en le faisant monter dans des wagons d’origine dont on ferme les portes par exemple), celle-ci reste et restera inaccessible. Peut-être aussi parce que c’est une expérience individuelle (celles d’Imre Kertesz et de Primo Levi sont par exemple irréconciliables). Le vieil homme, un peu perdu dans les chorégraphies de groupe, mais qui finit par apprendre quelques pas, et se libère quand il danse en couple avec ses petites filles, lui, s’est réveillé sur des paillasses. Lui a vécu l’expérience des camps. Il vit avec depuis plus de 60 ans. Nous ne savons pas ce que c’est que ce souvenir, rien de la façon dont il s’installe dans la mémoire de cet homme précis. Qui peut lui reprocher de vivre avec à sa manière ?

La vidéo est aussi un hymne à la vie, à la transmission, à l’espoir d’un futur plus beau. La mémoire de la shoah est-elle ontologiquement sinistre ? Primo Lévi, parce qu’il se suicide, porte-t-il mieux le deuil que cet homme ?

L’affliction et la contrition sont-elles les seules postures possibles pour vivre après la révélation du Mal humain que fut la solution finale ?

Si comme l’affirme Cioran, il y a un inconvénient à être né, je pense, contrairement à ce sublime pessimiste, que c’est que l’on finit par aimer la vie et une famille qui danse autour du grand-père sous le portail d’Auschwitz.

(Conseil : regardez la vidéo jusqu'à la fin).

Edit : La vidéo a été retirée, mais elle est encore visible . J'aimerais bien savoir qui a demandé le retrait pour non respect du droit d'auteur. Ce n'est pourtant pas le premier détournement de cette chanson.

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