mercredi 22 septembre 2010

Le destin d'Hypatie

Dans la Grèce antique, le Mouseîon était un temple consacré aux Muses, divinités des arts (c’est l’origine du mot musée). A Alexandrie il était intégré à l’université. C’est là que grandit Hypatie vers 370 après JC. Son père, Théon d’Alexandrie, en est le dernier directeur. Mathématicien et philosophe, il initie sa fille qui montre très vite une intelligence supérieure, et l’envoie à Athènes achever sa formation intellectuelle. De retour dans sa ville, elle s’impose comme la plus importante de ses philosophes : elle écrit sur les mathématiques et l’astronomie, enseigne les thèses néoplatoniciennes, forme les élites de la ville comme Synésios de Cyrène qui deviendra évêque de Ptolémaïs et a l’oreille du préfet romain Oreste. Celui-ci devait se poser bien des questions en cette période de bouleversements profonds.

En 395, à la mort de Théodose 1er, l’empire romain est définitivement divisé en deux. L’empire romain d’Occident vacille, il disparaîtra en 476. Le christianisme se répand à grande vitesse, gagnant les masses aux messages des évangiles, supplantant les anciens dieux. En 415, Alexandrie vit des tensions entre communautés religieuses. Hypatie est athée. La colère gronde contre elle.

Femme libre, d’une intelligence écrasante, Hypatie a l’oreille du préfet qui tente de résister aux volontés de pouvoir séculier du patriarche d’Alexandrie. Elle est vite identifiée comme un obstacle aux ambitions des Chrétiens. Jean de Nicée résume au VIIème siècle l’acte d’accusation : «En ces temps apparut une femme philosophe, une païenne nommée Hypatie, et elle se consacrait à plein temps à la magie, aux astrolabes et aux instruments de musique, et elle ensorcela beaucoup de gens par ses dons sataniques. Et le gouverneur de la cité l'honorait excessivement; en effet, elle l'avait ensorcelé par sa magie. Et il cessa d'aller à l'église comme c'était son habitude....».

En mars 415 des moines fanatiques, menés par un certain Pierre le lecteur, décident d’en finir. Socrate le Scolastique raconte : « Ils guettent Hypatie qui rentrait chez elle : la jetant hors de son siège, ils la traînent à l’église qu’on appelait le Césareum, et l’ayant dépouillée de son vêtement, ils la frappèrent à coups de tessons ; l’ayant systématiquement mise en pièces, ils chargèrent ses membres jusqu’en haut du Cinarôn et les anéantirent par le feu.»

Hypatie meurt à 45 ans, lapidée par des Chrétiens dans une église. Il ne reste rien de ses travaux, tous brûlés lors de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Si l’on en croit sa légende, elle est morte vierge.

Rien, pas tout à fait. Il se dit que Raphaël l’a peinte dans une première version de L’école d’Athènes. L’apprenant, un cardinal, aurait demandé qu’elle disparaisse. Prudent, Raphaël l’aurait effacée, mais s’en serait inspiré pour la figure efféminée du neveu du pape. Infime revanche de l’art et de l’intelligence sur l’obscurantisme religieux.


Le film «Agora» raconte lourdinguement sa vie.

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