Aujourd’hui ligne 13, un homme est monté en dernier station Invalides. Propre sur lui, cheveux bien coupés, largement gris déjà, léger embonpoint, blouson de coton bien repassé d’un pastel passe partout passé de mode, pantalon au pli proprement marqué. Allure de comptable en somme.
Campé devant la porte, d’une voix qui portait peu dans le brouhaha et le grincement des rails : « Excusez moi de vous déranger… rester propre… ticket restaurant ». Et il se fraye un passage dans la foule dense du wagon d’une démarche lourde à présent.
Station suivante il descend sur un quai presque désert. Avant lui une femme a déposé un journal gratuit sur un banc, pour permettre à d’autres de le lire, c’est la pratique. Je l’ai vue.
Il se détourne, ramasse le journal et le met dans une poubelle.
Alors je me suis dit que ce qui tenait cet homme dans ce moment où tout s’effondre c’était ce besoin d’ordre, qu’il s’y accrochait comme à une dernière structure : son allure, se doucher tous les jours, repasser son linge, dormir dans un lit aux draps propres, ramasser les journaux abandonnés. J’ai imaginé la difficulté grandissante de ce projet absurde. La lassitude du vide, l’indifférence des autres, l’humiliation qu’il y a à prononcer cent fois le même paragraphe d’une voix qui porte peu.
Et puis je me suis dit qu’un jour il y aurait des tâches sur sa veste, qu’il remarquerait la poussière sur les murs du métro, et que ce jour là tout serait perdu pour lui.
Peut-être aussi est-ce que je me trompe.
lundi 7 juin 2010
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